9 février 2010
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"Ecrire, quoi que j'aie pu dire à tous vents naguère, est un exercice hautement épuisant, un arrachement continu de viscères, de coeurs sanguinolents qui repoussent sans cesse, de veines qui n'en peuvent plus de s'ouvrir au grand jour et de se dévider comme des serpents. J'arrêterai donc. D'écrire, comme de respirer, comme d'aimer, comme de prendre dans mes bras celles que je chéris et qui me donnent la force. Et peut-être me laisserai-je alors glisser dans la répétition continue d'une musique qui sera la mort elle-même, mais sans que je le sache. Tout laisser des mots pour n'être plus qu'un corps fatigué et qu'une âme stupide écoutant sans fin une pièce de Fauré par exemple, cette berceuse notamment, Dolly, qu'une amie très chère, Josette Monfort, avait un jour offert en cadeau d'anniversaire à ma petite fille pour ses trois ans, venir dans cette musique, y venir et y revenir, à l'infini, y vivre en s'enroulant en elle comme dans un pays, une vallée, et ne plus faire de phrases, ne plus écouter le monde, ne plus se lever, ne plus parler, ne plus faire de gestes, ne plus aller au dehors, ne plus rencontrer les autres hommes, ne plus supporter leurs blessures et leurs crocs. Mais boire du vin en écoutant ce court morceau où le violoncelle se lie au piano comme deux mains amoureuses avant les caresses".
Au revoir
monsieur Friant
Philipe Claudel