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26 novembre 2009 4 26 /11 /novembre /2009 21:48


Il te faudra capturer l'encre ;
à travers elle et ses embellies
caresser la rivière
et te livrer enfin
aux attouchements suprêmes
et connaître l'instant.



Ce ne sont qu'épaves ou fragments.
Le bout de l'herbe vole au vent.
Poussière infime t'envahit.
Toux jaune te pénètre.
Il ne reste en toi
qu'une émotion sans écriture.






Mardi je suis retournée en ville. J'y descends de moins en moins souvent, autre changement dans ma vie. J'aime rester chez moi, goûter le calme, la solitude quand mes trois enfants sont absents en même temps.
 Presqu'à côté de mon magasin bio, il y a ce café qui occupe un coin de rue avec sa terrasse sur le trottoir. En face, la Faculté de philosophie et lettres où la plus jeune de mes filles va en cours.  A chaque fois ou presque, je pense à Jacques Izoard que j'ai vu quelques fois attablé à la dernière ou avant-dernière table. A chaque fois ou presque, je me dis qu'il faut que je vous parle de Jacques Izoard.
La première fois que je l'ai vu et entendu, c'était lors d'une rencontre dans ma librairie en 2006 pour la parution d'une anthologie reprenant tous ses poèmes.
Dans cette anthologie, 4650 poèmes et textes dont les premiers ont été écrits à l'âge de quinze ans ( je pense à ton fils Ut...).
"Je portais presqu'encore des langes" disait Jacques...Car c'était un homme avec beaucoup d'humour, un pince sans rire. Une extrême simplicité.
Je l'ai vu une seconde fois à Bruxelles lors d'une autre rencontre. Et puis plusieurs fois à la terrasse du Delft. Un jour, j'étais avec mes filles et on l'a croisé sur un trottoir. Je leur ai dit : regardez, le monsieur, là, c'est le poète Jacques Izoard !
Parce qu'un poète...c'est quelqu'un d'important...Même s'il ne fait rien pour se faire remarquer...Et ce n'est pas tous les jours qu'on croise un poète dans la rue...
Il ne payait pas de mine, Jacques. Le poète n'est pas percevable à l'oeil nu, il faut aller à sa rencontre, creuser profond. L'âme alors est là, à portée de regard.
Il disait, Jacques, qu'il faut se laisser porter par la lecture, qu'il faut laisser l'auteur de côté et lire, lire de manière naïve et nue.
Il disait qu'il aimait la brisure, la fêlure, le tremblement dans le poème. Que les mots sont parfois des pierres qu'on jette à l'eau. Qu'on n'écrit pas impunément n'importe où, qu'on est coloré par l'endroit où on est.
De l'endroit où je suis, je jette à l'eau quelques-une de ses pierres à lui...



Sous les mots retrouve
odeurs, parfums, senteurs.
Ce fourmillement, aussi,
des doigts qui dorment,
et des regards piqués
de rouille, de rêve.


Rêve avec les rêveurs.
Avec les chercheurs, cherche !
Avec amour, aime.
Et déjà t'envahit
le sourd bonheur
de jeter semence.


Brouillard de mots qui s'épaissit
tant et si bien que la langue
devient pâteuse et lourde...
Aujourd'hui, le poème
s'enlise et s'envase et s'enterre
et nous l'abandonnons.


Evidemment, je me rapproche
des objets que la rouille aime,
des osselets autour du cou,
des mots dont on fait les poèmes
et de moi-même.


Extrait de "Dormir sept ans"

Jacques Izoard  est mort le 19 juillet 2008.




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commentaires

S
<br /> Comme Colette, je suis très touchée de te découvrir, sous la beauté et la pudeur de tes mots et les gens qui traversent ta vie, a fortiori quand ils sont des poètes ...<br /> <br /> Merci pour tout Petit Poucet ...<br /> <br /> Laissez les poètes exister, rêver, lire la page nue et remplir le silence ... On m'a trop longtemps empêchée d'une certaine façon ... d'être moi-même, mais aujourd'hui je le suis ...<br /> <br /> je t'embrasse en comptant les cailloux tendres sur le chemin des jours qui nous restent ...<br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> Merci pour ce que tu dis de toi, Servanne, et qui, tu t'en doutes, me touche beaucoup...Nous en avons, n'est-ce pas, de ces bagages trop lourds à porter...Je me réjouis, avec toi, qu'aujourd'hui tu<br /> puisses être toi-même...<br /> <br /> J'espère qu'il en reste beaucoup parce que j'ai encore des pluies de cailloux...<br /> Je t'embrasse, moi aussi, douce Servanne.<br /> <br /> <br />
M
<br /> Merci pour ce cheminement, cette découverte, ce voyage tranquille en Poésitanie... Merci pour tous les cailloux que tu sèmes, Petit Poucet rêveur, ils atteignent leur destination tant enviée;<br /> L'AUBE, le pays de demain. Quand on lit de si beaux textes, on se dépouille enfin. Et notre âme est nue comme un premier miracle.<br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> Poésitanie ! Quelle belle trouvaille, Géraldine ! A te lire, je suis émue. Merci pour cette émotion...<br /> <br /> <br />
P
<br /> C'est une jolie découverte pour moi aussi!<br /> Par son essence même le poète est souvent méconnu, il se promène dans la vie le nez au vent, comme l'Albatros de Baudelaire,un peu gauche et maladroit..<br /> Amicalement<br /> Marcelle<br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> C'est une joie de te le faire découvrir, Marcelle...Merci à toi.<br /> <br /> <br />
C
<br /> belle, longue, riche page chez toi<br /> connaître les lignes que tu aimes lire, les personnes que tu as aimé et aimes rencontrer et un peu de ta vie aussi, dévoilé toujours avec pudeur<br /> de bien jolis cailloux tout cela, merci Petit Poucet<br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> Merci pour tes mots, Colette...Ils me touchent beaucoup... Oui, beaucoup...<br /> <br /> <br />
S
<br /> Je viens de chez Quichottine, je suis dès que je le peux les chemins qu'elle nous propose, j'ai suivi celui-ci et je découvre le poème d'un auteur que je ne connais pas. J'aime la poésie mais hélas<br /> je ne sais pas écrire des poèmes, je le regrette car j'apprécie la poésie et toutes les personnes qui savent jongler avec les mots.<br /> Bon dimanche<br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> Merci beaucoup pour tes mots, Santounette et bienvenue à toi...Et si tu aimes la poésie c'est l'essentiel...<br /> <br /> <br />

Se couler vers un ailleurs

Je ne sais vers quel changement je me coule "
  mais le voyage a bel et bien  commencé.
  
Vers un ailleurs où je pourrais me poser,
poser mon corps chaotique et fatigué,
le poids de mes blessures.

Un ailleurs avec des mots
léchés par les vagues 
à moins que ce ne soit par mes larmes.
Car, à portée de regard, comme une évidence: la mer.
A perte d'horizon. La mer. 
Sa rumeur, ses humeurs.
La mer et l'écriture comme subsistance,
pain de mes jours.

Un ailleurs à l'écoute
de ma petite musique intérieure.
A défaut d'une chambre à soi,
inventer symboliquement un espace
qui m'appartienne,
que je puisse habiter à ma façon.
Construction encore bien fragile et hésitante, 
à grands coups de découragement, 
de tentatives maladroites et d'acharnement,
cet endroit se dessine peu à peu. 
Sous mes yeux. Sous les vôtres s'ils s'y posent. 

Espace impalpable qui se voudrait
alcôve sobre et chaude pour y loger 
un peu (le peu) de ce que je suis. 
Espace impalpable mais vivant
comme un battement d'aile.


      
         
Oui, le voyage a bel et bien commencé.

                                                        
                              
                      21 juillet 2009                          

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